Poussière, boue et rues en pente, Ushuaia est une ville de montagne au bord du Canal Beagle. Sa rue principale, l’avenida San Martin bien sûr, est une succession de restaurants, de magasins de sport ou de souvenirs.
Dans le port quelques voiliers ont défié le froid et je me dis que je suis quand même mieux dans ma deuche.
Un imposant monument commémore la guerre des Malouines qui a opposé l’Argentine à l’Angleterre en 1982. Du nord au sud de l’Argentine, des panneaux routiers revendiquent la propriété de cet archipel situé à 500km de la côte est.
C’est sous une pluie fine et glacée que nous entamons notre dernière étape avant d’arriver au bout du monde. Petit arrêt à Tolhuin dans l’incontournable boulangerie La Union où nous mangerons des empanadas.
Plus que 100 km.
Les quelques rares plaques de neige que nous avions vues deviennent de plus en plus nombreuses. Le brouillard se fait plus dense. Nous traversons une grande vallée entourée de pics aux sommets enneigés. Un panneau routier nous informe que l’utilisation de chaînes est obligatoire…Mais on passe le col Garibaldi sans problème et on redescend tout vers Ushuaia. Grâce à la pluie, la boue a remplacé le sel sur la voiture.
Ushuaia, nous voilà.
Nous retrouvons Sergio, membre du Club Mehari d’Argentine, à la concession Citroën. Nous sommes invités à y boire un café, ils nous offrent un bon pour aller nettoyer la voiture au lavadero du coin et des porte-clés. Le chef mécanicien nous propose de venir dans leur atelier avant de quitter la ville pour une révision complète de la voiture !
Je crois que c’est ici qu’il y a la plus forte concentration d’amateurs de 2cv. Nous sommes abordés à chaque coin de rue pour avoir des explications sur notre voyage.
Finalement nous avons pu immortaliser cette première grande étape avant d’aller boire une bière « Beagle » avec deux Françaises en vadrouille.
Une dizaine de km avant la frontière, nous faisons un petit détour pour aller voir la Laguna Azul. En fait de lagune, il s’agit d’une caldeira double dont l’une forme un petit lac.C’est magnifique mais il faut être motivé pour en faire le tour car le vent nous empêche littéralement d’avancer. On tient à peine debout.
Les formalités de sortie d’Argentine et celles d’entrée au Chili se font dans le même bâtiment. En 45 minutes tous les papiers sont faits et il ne reste plus qu’à passer la deuche au contrôle sanitaire. Nous ne pouvons rien importer de frais. Nous avions donc avalé toutes nos provisions à midi et cuit nos oeufs durs. Les douaniers font tourner leur chien renifleur autour de l’auto et ensuite le font chercher dans la chambre, la cuisine et le salon. Il est mignon le chien mais en attendant il laisse des traces de pattes sur les coussins ! Comme il ne trouve rien, les douaniers nous laissent passer.
Nous voilà donc au Chili.
Quelques km plus loin, C’est à Punta Delgada que l’on prend un petit ferry qui nous fait traverser le détroit de Magellan par mer agitée. Voilà que l’auto est salée maintenant !
20 minutes plus tard, nous débarquons sur l’île de la Terre de Feu.
Pourquoi ce nom ? Les Selk’nams, premiers habitants de l’île, ne portaient pas de vêtements et faisaient constamment de grands feux pour lutter contre le froid. Ce sont ces nombreux feux que voyaient les navigateurs/explorateurs qui leur ont inspiré le nom de l’île.
La route chilienne 255 est très bonne et nous arrivons à Cerro Sombrero, petite ville de 900 habitants créée dans les années 50 pour les ouvriers du pétrole et leur famille. Juste une station essence, un petit magasin et un office du tourisme au top qui nous explique que la municipalité met à la disposition du voyageur de passage des sanitaires chauffés etgratuits..
Excellente nuit sans vent mais avec du gel.
Le lendemain, nous repartons avec beaucoup d’espoir. L’employé de l’office du tourisme nous a fortement conseillé d’aller au Parc Pingüinos Rey. Ça ne nous fait qu’un petit détour de 30km. On tente le coup. Ils sont là !! Bon c’est vrai, ils ne sont pas des milliers, mais ce sont des Manchots Empereurs. On n’en espérait pas tant ! Ils sont en pleine parade amoureuse et il y a quelques juvéniles qui n’ont pas encore mué. Tout ça dans un site magnifique, sans vent, plein soleil, mais quand même un peu frais. A la sortie du parc, on s’installe pour déjeuner. 3 copains français en vacances passent par là et on discute. L’un d’eux est Ardéchois …
Après cette rencontre inattendue, nous repartons vers San Sebastian, nouveau poste frontière. La sortie du Chili se fait en 10 minutes et 15km plus loin on repasse en Argentine. Immigration, douane, réimportation temporaire du véhicule. Au moment de passer par le service sanitaire, nous nous souvenons que nous avons acheté du jambon et qu’on ne l’a pas mangé. Mais le douanier sort de sa guérite et est enthousiaste à la vue de notre « citroneta ». Du coup on lui fait la visite version courte et avec un grand sourire, nous dit que tout est ok, buen viaje !
Sortie du Chili
Entrée en Argentine
Ce soir nous sommes à Rio Grande, ville très animée avec beau front de mer. Tout le monde profite de cette journée sans vent pour faire du vélo ou simplement se balader.
Après une nuit très froide (-2 degrés ce matin), nous nous sommes dirigés vers le Parc National des Bosques Petrificados (forêt pétrifiée), sans trop de conviction car pas très couru.
La piste est mauvaise. Notre surprise fut d’autant plus grande quand nous approchons du Parc. Le paysage se transforme complètement. Un volcan double a modelé cette vallée créant des plateaux basaltiques et des collines de toutes les couleurs. Il y a des millions d’années, alors que ni la Cordillère des Andes, ni l’océan Atlantique n’existaient, une vaste forêt d’araucarias se tenait à cet endroit aujourd’hui désert. Les poussées tectoniques on fait surgir le volcan qui a recouvert de cendres la forêt. Les minéraux, les sédiments, l’action du vent et des pluies ont permis à la silice de pénétrer dans les arbres abattus et de les pétrifier pour toujours. On trouve ici des arbres de 30m de haut et de presque 2m de diamètre. Sur certains on peut même encore voir les racines.
Vu les conditions venteuses que nous faisons subir à PtiKet, Quentin décide d’avancer le gros entretien et nous profitons du camping de Rada Tilly pour le faire. Pour la première fois, outre les douches chaudes, les sanitaires sont chauffés ! Nous sommes toujours seuls et les horaires d’ouverture des douches ne s’appliquent pas pour nous.
Vidanges (moteur et boîte) donc, graissage, nettoyage filtres (air/huile), et remplacement d’un soufflet de cardan qui avait mauvaise mine.
A ce jour, sur le continent américain, nous avons parcouru 7496 km, roulé 140h, en 46 jours.. et aucune crevaison.
La Ruta 3, longe un moment la côte et nous passons entre d’immenses dunes.
C’est dans cette région qu’en 1907, des ouvriers ont mis au jour un gisement de pétrole. Les éleveurs de moutons ont rapidement arrêté de produire de la laine pour creuser des puits et installer des pompes sur leurs terrains. Quelques éoliennes sont en cours d’installation mais juste pour la forme….
Nous quittons la région du Chubut pour entrer dans celle de Santa Cruz. Ce qui implique un contrôle de gendarmerie. Papiers s’il vous plait. Après vérification sur son ordinateur, le gendarme revient et nous demande quel est le plus bel endroit qu’on ait visité jusqu’à présent. Euh, Valdes ?
Il nous repose la question, comme si on n’avait pas compris. Euh, la Patagonie en général ? Désabusé,il espérait qu’on lui réponde Iguazú d’où il est originaire… si maintenant il faut qu’on devine les origines des représentants de l’ordre pour ne pas faire d’impair….c’est pas gagné !
Il ne nous en veut pas et nous laisse repartir en nous souhaitant bon voyage.
La végétation est réduite à quelques touffes d’herbe jaunie. Nada, rien, ketchi…mais qu’est ce que c’est beau !
Toujours à la recherche de manchots, nous quittons la Ruta 3 pour dormir à Camarones, tout petit port de pêche. Dès les premiers 20 km, le paysage a déjà plus de relief.
De Camarones, nous pouvons rejoindre par 30 km de piste,Cabo Dos Bahias. Nos manchots ne sont toujours pas arrivés, le gardien ne nous fait rien payer et nous avons tout le parc pour nous tout seuls.
La côte est joliment découpée. Des dizaines de guanacos nous regardent fièrement, les peludos courent dans tous les sens, les nandous de Darwin s’enfuient en secouant leurs ailes et les lions de mer grognent sur les rochers parce que le soleil ne chauffe pas beaucoup aujourd’hui.
Nous passons la nuit suivante sur le parking de la station YPF, quelque part sur la Ruta 3, au milieu de rien. Pas un arbre pour nous protéger du vent. Même le réseau internet déprime …
La route vers Comodoro Rivadavia sera épique, vent de côté (Ouest). Même les camions que l’on croise ont les pneus arrière de leur remorque dans les gravillons du bas-côté et leur chargement penche sous la pression du vent. Leurs chauffeurs sont hilares en nous voyant et nous font des grands 👋 (?!). 180km en 4h.
A Trelew, nous croisons Juan Cruz et ses 2 fils, un méhariste qui voulait absolument nous rencontrer. C’est sous la réplique du plus grand dinosaure du monde (!) que nous lui faisons faire la visite habituelle. Il a pris la peine de se renseigner et nous confirme que le camping de Gaiman est bien ouvert.
Après quelques courses à Trelew, nous arrivons à Gaiman. Cette petite ville essaie de conserver ses racines galloises mais à part quelques salons où le thé est hors de prix, la maison où Lady Di est venue dire bonjour, la vieille gare et une poignée de maisons en pierres ou en briques rouges, nous sommes quand même bien en Argentine.
Le camping Bomberos, comme son nom l’indique, est juste à côté de la caserne des pompiers. Il est bien ouvert mais le chef des pompiers me précise que les baños sont cassés et qu’ils n’ont pas réparé. Mais si on veut on peut rester et il ne nous fera rien payer. Les poubelles débordent mais il y a un robinet d’eau, des bbq et des tables en béton. On se pose, les pompiers viennent prendre des photos et vers 20h ils allument leur barbecue, amène la viande, la voiture avec la musique. A peine 2h plus tard, on les voit filer en intervention. Ils reviendront vers 2h du matin finir leur soirée….
changer les roulements de l’autre roue de la remorque
se régaler d’un bon steack au restaurant Malon
faire un aller/retour à Punta Loma pour voir une colonie de lions de mer où les jeunes otaries crient comme des chèvres sous le regard indifférent des cormorans de Magellan accrochés à leur falaise.
visiter le joli petit musée Ecocentro dans l’ancien phare, tout concernant les baleines et autres animaux marins. Tout en haut du phare a été aménagé un salon avec de grandes baies vitrées et de confortables canapés qui font face à la mer pour admirer les baleines
flâner dans les rues et sur la costanera
Laverie, recharge de gaz, douches
L’endroit où se trouve actuellement Puerto Madryn était à l’origine habité par les Tehuelches. Vers 1860, 28 Gallois ont débarqué à la pointe nord et ont apparemment cohabité en bonne entente avec les autochtones. De ces 28 Gallois est née toute une communauté qui s’est étendue sur plusieurs km et dont on trouve aujourd’hui les descendants dans des villes comme Rawson, Trelew, Gaiman où nous allons demain.
Nous avons constaté depuis quelques jours que le pneu arrière droit commence à fortement s’user côté extérieur (la faute au vent…). Quentin décide donc ce matin de retirer la roue et d’inverser le pneu sur la jante. Il s’installe sur le parking de la station service de Puerto Piramides pour pouvoir utiliser leur compresseur et ne pas devoir mettre une chambre à air. Il profite que la voiture est soulevée pour graisser les pivots de direction des 2 côtés. Tant qu’à avoir les mains sales, il retire aussi la came de la pompe de reprise du carbu, celle-ci, n’étant plus sollicitée, on devrait consommer un peu moins. Actuellement nous avons une moyenne de 6,6l/100 mais avec des pointes à 7,4l.
Il est 10h30 quand nous prenons la route vers la sortie de la Péninsule.
Mais pas question de quitter cet endroit sans aller passer 1 ou 2 nuits à la playa Villarino.
Une piste nous mène jusqu’à une plage au bord du golfe San José.
Très exposée au vent qui souffle denouveau fort, nous trouvons un petit creux qui nous protège un peu.
La plage est jonchée de coquillages encore entiers, comme s’ils venaient d’être vidés. Une vraie hécatombe.
A certains endroits, du rocher rongé par le vent et l’eau affleure et apparaissent, fossilisés, des coquillages de toutes sortes dont des grands bénitiers durs comme de la pierre.
Nous sommes seuls. La mer monte et avant de dormir, nous allons vérifier que notre « petit creux » ne risque pas de se remplir dans la nuit. Ça devrait être bon.
Le lendemain, nous nous réveillons quand l’horizon se colore de rouge. Nous partons à pied vers l’est où nos amis suisses nous ont indiqué avoir vu des manchots à 4km.La balade est superbe, en bord de falaise, les plages se succèdent, toutes désertes. Pas de trace d’un quelconque animal, si ce n’est des goélands ou des cormorans et quelques vaches surprises de nous voir.
Nous refaisons le chemin en sens inverse et 2 baleines apparaissent près de la plage. La mer est agitée, elles ne s’attardent pas.
Des Argentins qui ont l’habitude de venir dans le coin nous confirment qu’il ne pleuvra pas d’ici quelques jours. Le vent s’est calmé, on décide donc de rester une nuit de plus. Les étoiles sont très brillantes et la lune nous sert de réverbère.
Difficile de partir de ce paradis alors que des baleines viennent faire les belles pendant qu’on prend notre petit déjeuner. En 5 jours on en a bien fait le tour, on n’a plus grand chose à manger, plus beaucoup d’eau et …une douche s’impose…