1er juillet 2018, 15h, le pilote monte à bord. Il y a unetrentaine de cargos en attente. Au loin la côte est bétonnée d’immeubles.
On passe sous un grand pont routier.
Avec l’aide de 2 remorqueurs, le cargo se faufile entre les îlots, les hauts fonds et les petits “pains de sucre”. On rase les rives de la baie, d’un côté les rochers, marinas et plages privées, de l’autre une forêt de gratte-ciels derrière les favelas.
Au bout de 7km, presque au fond de la Bahia Vitoria, les remorqueurs nous font faire demi tour sur place et nous poussent contre le quai. Il est 16h30.
Il est prévu que l’on reparte à 4h du matin mais le larguage est repoussé à 11h. Il faut se faire à l’idée que le planning n’est jamais tenu. Ce décalage nous redonne espoir d’avoir le temps d’aller voir le Pain de Sucre de Rio (Pan de Azucar – Sugar Hill – Pao de Acucar). Allez, encore une autre langue à digérer !
Voilà, au bout de 7 jours nous sommes de l’autre côté de l’Atlantique. On aurait pu arriver un jour plus tôt mais le cargo a ralenti pour n’arriver que ce 1er juillet, question de planning à Vitoria apparemment.
Sur ce grand vaisseau, nous n’avons pas du tout eu la même sensation que lors de notre première traversée. C’est très différent et bien moins impressionnant. Pas de veille à faire, pas de jonglage dans la cuisine quand la mer est trop forte, la nuit on dort, pas de rationnement d’eau, le bruit du moteur en continu, à l’extérieur une odeur persistante de pétrole brûlé, pas de paquets de mer sur la tête (sauf à l’occasion de notre baptême – voir article précédent),… On est trop haut, la mer est trop loin. Bref, on n’a pas vraiment « ressenti » le voyage.
La consommation de calories dans la salle de gym atteint des sommets, à raison de 600 calories tous les matins, on fera difficilement mieux. Malgré tout, les effets des patates à tous les repas priment malheureusement sur ceux du vélo ou de l’elliptique.
J’ai trouvé un bon Beigbeder et un vieux Philippe Labro dans la bibliothèque du Capitaine, laissés là par de précédents voyageurs. Je les emporte au pont arrière pour les lire à l’abri du soleil et du vent.
Après avoir refait une beauté à la piscine, c’est au tour du terrain de basket d’être repeint pour les futurs matches.
La peinture est additionnée de sable pour rendre le sol moins glissant. On connaît quelqu’un chez G**flor qui pourrait peut-être leur suggérer autre chose comme revêtement ;-)) (Loïc, on s’appelle!).
L’équipage est continuellement en train de ravauder le cargo, un coup de disqueuse par ici, une soudure par là, des patches de peinture là où la rouille apparait.
Les ballasts ont été vidangés pour ne pas ramener des bestioles ou autres bactéries africaines dans les eaux brésiliennes . L’opération aura pris 3 jours.
Malgré notre manque évident d’enthousiasme, le Capitaine nous tient de temps en temps au courant des succès de nos équipes nationales de foot. C’est comme ça qu’on a appris que la Belgique avait écrasé l’Angleterre…
A force de reculer nos montres d’une heure, le soleil commence à se coucher vers 17h et il fait nuit pour le repas du soir à 18h.
Le matin de notre arrivée au Brésil, nous avons passé plusieurs heures à observer de nombreuses baleines.
Comme aux Açores, elles sont plutôt timides et jouent avec notre impatience. On scrute l’horizon, on les voit souffler au loin et c’est au moment où nous allons jeter l’éponge que deux d’entre elles frôlent le bateau. Merci Neptune.
Ce mardi 26 juin 2018, à 15h30, le Capitaine invite tout l’équipage et les passagers à se rendre sur le pont 13. La Cérémonie va commencer.
Nous sommes accueillis par le dieu Neptune et sa « femme » (qui arbore des masques de peinture en guise de seins).
Bien alignés sous le pont des antennes, nous recevons 3 bons seaux d’eau de mer sur la tête.
Nous sommes ensuite amenés à l’arrière du bateau. Un serviteur de Neptune nous badigeonne de graisse marine (très résistante à l’eau) sur les bras pour les femmes et sur le torse/dos pour les hommes.
Les lances à incendie sont gonflées d’eau.
Le but du jeu est de passer au travers de 5 bouées de sauvetage posées par terre verticalement pendant que 2 hommes nous arrosent avec les lances. L’eau est tempérée mais très salée et avec un arrière-goût de pétrole.
Nous voilà en ligne devant la table où sont posées des tasses à café remplies d’un liquide ambré. Au signal on doit boire cul sec. Pas trop le temps de le savourer mais ce rhum est excellent.
Nous pouvons maintenant passer dans la piscine fraîchement repeinte et remplie d’eau de mer pour que Neptune nous baptise du nom que les spectateurs choisissent – Spanish shark, Tilapia et Marlin 1&2 – en nous enfonçant la tête sous l’eau.
Chaque épreuve est ponctuée d’une belle ovation de tout l’équipage. La cérémonie s’achève avec la remise officielle du diplôme par le Capitaine.
Il faudra 2 douches très chaudes et beaucoup de savon de Marseille pour se débarrasser de la graisse et de l’odeur.
On a bien mérité un apéro et le Capitaine sort une bouteille de Raki fait maison (rather strong!).
A 17h 14 la corne de brume retentit. Nous avons passé l’Equateur.
Le simple fait de franchir cette ligne virtuelle nous a fait basculer dans l’hémisphère sud et … en hiver (plutôt clément sous ces latitudes). Cette année nous n’aurons eu que 5 jours d’été.
Un autre cochon passe à la broche pour clôturer cette journée festive mais nous aurons aussi du marlin au bbq.
Après le repas, le Capitaine nous explique que les Philippins font un karaoke dans leur mess. La journée n’est pas tout a fait terminée d’autant qu’on recule encore nos montres d’une heure. On se retrouve donc tous les 4 dans la salle de repos à bâbord.
La pièce est petite et la sono à fond. Ils nous tendent la liste des chansons disponibles pour qu’on en choisisse une. Encore un baptême mais celui-ci est moins réussi car ce sont des versions instrumentales qui ont un lointain rapport avec la chanson originale et je me plante lamentablement sur Ye Ah de Outkast.
Ils sont très fans de chansons d’amour sirupeuses mais quand arrive la lambada la piste de danse est en feu.
Ce voyage est vraiment une suite d’événements incroyables. Quand je vous disais qu’on n’avait pas le temps de s’ennuyer….Etant donné les circonstances, nous n’avons pas pu faire de photos. Pas contre l’équipage s’en est donné à coeur joie. Quand je les aurai récupérées je les rajouterai. Ça vous fera le 2ème effet kisscool ;-))
Après le Sénégal, un petit bout de Guinée.
Vers 8h hier, on longe les îles au large de Conakry. Plusieurs bateaux sont en attente, en activité ou épave, difficile à dire. Il nous faudra, comme à chaque fois, attendre 2 bonnes heures pour que la passerelle s’ouvre enfin.
Observer les manoeuvres sur le quai est toujours interessant, entre les hommes qui jettent les poubelles en vrac (atelier et ménage mélangées) dans une fourgonnette qui a visiblement beaucoup trop vécu, la gestion des amarres un peu chaotique, la grue géante mobile qui attend patiemment qu’on vienne lui changer ses batteries, les prières …
Le bonus aujourd’hui c’est la remorque Mazet (spéciale dédicace aux Ardéchois) sur le quai ! Ça surprend..
L’après-midi on remarque que plusieurs personnes, dont Zlatin, s’affairent entre le quai et le bateau. 2 hommes grenouille plongent. C’est pas bon signe. Le manège dure un moment et n’y tenant plus on demande au 3ème officier s’il y a un trou dans la bateau. Effectivement il y a un trou 😱 mais il s’agit d’une fuite d’huile au niveau de l’hélice. Le soir on se couche sans savoir si ils ont pu réparer. En tout cas, on ne partira pas à 10h comme prévu.
Ce matin, on avise le premier hublot et on doit bien constater que le paysage n’a pas changé . Le Capitaine est un peu taciturne mais, inquiets, on lui demande si on va pouvoir partir. Sa réponse est simple : « il reste 40 containers à charger et il pleut…. on partira sans doute cet après-midi… ça c’est l’Afrique ». Contrariés mais rassurés sur nos chances de quitter le quai.
Il faut dire que quand nous avons demandé au Capitaine hier si nous pouvions descendre du bateau, il nous a dit ok mais pensez à prendre un « gun », c’est plus sûr. Après un court débat entre nous 4, nous avons finalement décidé que nous resterions sagement sur le bateau.
Du coup on a fait monter un agent du port pour lui acheter une carte sim et pouvoir surfer un peu.
Il semblerait que Vessel Finder ne soit pas toujours à jour. Nous essaierons d’activer notre balise une fois par jour pour laisser notre trace sur le blog.
Merci pour vos commentaires. Difficile d’y répondre à chaque fois mais ils nous font toujours très plaisir.
A 10h (heure locale) nous sommes à quai à Dakar. Le temps de remplir les formalités douanières et c’est déjà l’après-midi. On enfile casque de chantier et gilet jaune pour traverser le port et nous voilà sur le sol africain. Les decks sont bien verrouillés et gardés donc nous partons sereins pour nos véhicules.
La ville est en effervescence car il doit y avoir un match important ce soir. Ce mondial nous poursuit car c’est denouveau la France qui joue et qui gagne …
On va à pied jusqu’à la place de l’indépendance et puis on remonte te la rue Pompidou jusqu’au marché et ses boutiques.
On se fait accoster un millier de fois pour nous vendre de t-shirts et autres babioles. Les Sénégalais sont plutôt sympas et quand on leur dit qu’on a déjà décliné une bonne centaine de fois leurs propositions d’achat, ils rigolent et nous disent : « nous sommes emmerdants comme des mouches mais on ne pique pas comme les moustiques » (proverbe africain).
Le Chief Engineer, Zlatin, nous propose d’aller visiter le coeur du bateau. On descend au niveau 3, il nous ouvre la porte de son antre et nous équipe de bouchons d’oreilles.
Alors, pour les amateurs, voici quelques chiffres :
7 cylindres 2 temps, 113 tours/minute, 50 tonnes de carburant par jour consommé, 3600l d’huile pour la vidange moteur, refroidissement indirect.
Pour démarrer, il lui faut un « shot » d’air comprimé mais il n’a quasiment jamais été arrêté en 18 ans.
La marche arrière se fait par inversion des pales de l’hélice, l’arbre de sortie de 50cm de diamètre étant en prise directe sur le vilebrequin. Parmi tous les cargos en activité, le Grande Brasile est loin d’être parmi les plus gros.
Le bruit et la chaleur dans la salle des machines sont à la démesure de l’engin.
Nous avons retiré la balise du pont supérieur à l’approche des escales africaines, moins sûres. Continuez à nous suivre sur Vessel Finder.
Nous avons vu nos premiers dauphins.
Au large de la Mauritanie, on retarde encore nos montres d’une heure.
Aujourd’hui c’est détente pour tout le monde. C’est Glean qui est collé pour l’astreinte à la passerelle (Bridge). On a sorti le cochon et les membres d’équipage se relaient pour faire tourner la broche au-dessus d’un demi fût en métal rempli de braises. La table est dressée à bâbord, à l’abri du vent et du soleil et nous mangeons avec les officiers. On commence à la vodka, bière et/ou vin. Au dessert (pastèques), nous sommes au large du détroit de Gibraltar. La mer est bien formée mais on le ressent à peine. L’ambiance est à la rigolade, on n’aurait pas pu espérer mieux tant au niveau des passagers que de l’équipage. Un regard vers la mer par-dessus la salade et on réalise qu’on est dans un endroit incroyable, sans chichis, une autre dimension, un monde parallèle en 4 langues
Ce matin du 16 juin, nous avons jusqu’à 17h30 pour visiter la ville que Carlos connait bien. Il fait beau, une chance d’après lui car la Galice est plutôt soumise à de fortes pluies en général. Nous allons en taxi vers le port de plaisance et continuons à pied jusqu’à la vieille ville. Les anciens bâtiments à l’architecture typique côtoient des immeubles fatigués et moches. Nous montons jusqu’au castillo ou plutôt ses ruines mais joliment mises en valeur. A midi, nous mangeons al Reposo del Pescador, dans une salle très bruyante où une télé géante retransmet, avec le son à fond, le match France – Australie de la coupe du monde de foot. Ici, c’est sûr, nous mangerons « local », des empanadas de thon, du poisson grillé et le fameux gâteau de St Jacques, le tout arrosé d’un excellent Albarino. La France a gagné le match.
Nous marchons encore dans les petites rues de la ville et faisons quelques courses au supermarché AlCampo (Auchan espagnol !). Retour en taxi pile à l’heure. On sautera le repas du soir. Excellente journée.
Le Chief Officer annonce au haut-parleur que ce soir nous devons retarder nos montres d’une heure. Dakar est 2h en avance mais on y va progressivement.
Pendant le trajet entre Hambourg et Le Havre, nous sommes informés via le panneau d’affichage qu’il va y avoir un exercice d’évacuation du bateau («quelqu’un» n’a pas pu résister et a mis sa touche personnelle sur le panneau !…)
A l’heure dite, la sirène retentit et nous nous retrouvons tous sur le pont supérieur. On nous fournit un gilet de sauvetage et un jeune cadet philippin nous montre comment enfiler la combinaison de survie. Nous sommes censés le faire en 2´ maximum.
Ensuite, le Capitaine nous informe qu’il n’y a pas de canot de sauvetage spécifique pour nous (ah bon ?) et que chaque canot (il y en a 2, un à bâbord et un à tribord) peut accueillir tout l’équipage. Une fois à l’intérieur, le chef mécano nous explique comment démarrer le moteur et faire avancer l’engin.
Le tout n’a duré qu’une trentaine de minutes et apparemment l’exercice sera renouvelé plusieurs fois au cours du voyage.
Vers 18h ce 13 juin, nous arrivons à l’entrée du port du Havre mais il faudra encore une heure pour passer l’écluse et retourner le cargo dans le sens du départ.
Nous avons peu de temps et la ville est loin du quai, nous ne descendrons donc pas à terre cette fois-ci.
Nous voilà repartis pour traverser le golfe de Gascogne, tout droit vers le pointe ouest de l’Espagne.
La vie à bord est rythmée par les heures des repas, la préparation de notre futur itinéraire, les séances de gym, les leçons d’espagnol, la sieste, les discussions avec Carlos et Magy, les balades sur le pont supérieur, pour finir le soir avec un bon film. Pas le temps de s’ennuyer.
Hier, le Capitaine a demandé au cuistot de prêter ses fourneaux à Carlos pour qu’il nous prépare une paëlla. Il a dû faire avec les ingrédients du bord…mais au moins ça change des patates.
Le chef en a profité pour nous faire goûter le menu des Philippins :Braised Pork in Pot (Hong Kong Style). La sauce est bonne mais la viande « légèrement » trop grasse pour moi….
Même si le bateau roule et tangue pas mal, les mouvements sont amples et softs, rien à voir avec ce que l’on peut subir sur un voilier ;-). On verra ce que ça donnera si nous essuyons du mauvais temps. Oui, certaines nuits sont plus agitées que d’autres mais il y a toujours un moment dans la journée pour pouvoir récupérer.
Aujourd’hui nous sommes à Vigo pour la journée et nous allons profiter de leurs spécialités de fruits de mer.
Nous connaissons la (longue) liste de nos prochaines escales : Dakar (Sénégal), Conakry (Guinée), Vitoria, Rio, Santos, Paranagua (Brésil), Zarate (Argentine) et enfin Montevideo (Uruguay).
Nous pourrons peut-être envoyer un petit message quand nous longerons les côtes des Canaries.