Grâce à nos repérages à pied pour trouver les rues les moins raides, nous avons pu sortir de Potosi sans encombre. Il n’y a que 160km pour rejoindre Sucre mais les montagnes russes continuent et nous arrivons à destination en début d’après-midi.
C’est dans le jardin de Alberto et Felicidad que nous nous posons. La deuche fait sensation car ici ils ne connaissent pas. L’endroit est à 10 minutes à pied du coeur de la ville et nous passons la journée à arpenter les jolies rues. 2750m d’altitude, on respire mieux et il fait doux.
Très différente de Potosi, Sucre a un côté moderne mais avec une architecture coloniale riche et en excellent état de conservation.
Les contacts sont très sympas et les gens sont plus souriants. Un mécano qui était venu faire une réparation chez Alberto nous a même déniché une nouvelle pompe à essence pour la deuche. Nous sommes parés pour le prochain décès.
La première station service où nous nous arrêtons ne veut pas nous servir en essence car « c’est la fin du mois ». Comme d’autres clients remplissent allègrement leur véhicule, on se dit que le pompiste n’aime pas les étrangers et on s’en va.
A la station suivante, en pleine ville, la pompiste ne peut pas nous servir car son système informatique n’a pas prévu d’autres étrangers que des sud-américains. En effet, à chaque passage, le pompiste entre le nr de la plaque du véhicule. Si le véhicule est étranger, il doit rentrer le nr de passeport mais le logiciel ne connait ni la France ni la Belgique. Donc, on ne sert pas.
Pendant ce temps, la file d’attente s’allonge et ça commence à klaxonner. Nous on ne bouge pas, peut-être qu’en mettant le bazar, ils finiront par craquer. Que nenni. Ils commencent même à devenir nerveux car ils sont sous caméras de surveillance.
Un jeune gars vient me proposer une solution : à défaut de remplir le réservoir, on peut s’arranger pour remplir nos bidons. Je pars avec 2 de ses copains faire des photocopies de leur carte d’identité qu’ils doivent remettre au pompiste pour remplir un bidon. Ensuite on va se garer à l’abri des caméras, je leur donne l’argent et ils vont remplir les 2 bidons de 10l. Et voilà. On les remercie comme il faut et on repart car la police arrive.
On se retrouve sur la route qui contourne la ville et on tombe sur une autre station service. On tente le coup de faire remplir le réservoir qui est toujours vide. Le type ne nous demande rien, il entre une plaque d’immatriculation bolivienne dans son ordinateur et nous fait un prix à mi-chemin entre le prix pour les locaux et celui des « gringos » (Le prix pour les locaux est subventionné par l’état, soit 3 fois moins cher que le prix pour les étrangers). Merci, aurevoir. Maintenant on est tranquilles pour au moins 600km. Après ce sera au petit bonheur la chance, mais en tout cas on a compris le principe !
Trop d’émotions à 4090m d’altitude nous épuise et on va se réfugier dans un petit hôtel près du centre, avec parking pour Ptiket. On va pouvoir un peu se reposer et visiter tranquillement la ville.
Potosi est donc la ville de plus de 100.000 habitants la plus haute du monde. Elle garde encore de nombreux beaux bâtiments coloniaux. Nous ne pourrons malheureusement pas visiter la Casa de la Moneda qui est en inventaire pour 3 jours. Nous parcourons (lentement) les ruelles étroites et pentues car la ville est bâtie sur le Cerro Rico, qui à une époque a bien enrichi la royauté espagnole grâce à ses filons d’argent. Il reste encore pas mal d’étain, de fer et de zinc.
Il y a toujours beaucoup de monde dans les rues où circulent des petits bus chinois très polluants.
Nous nous approvisionnons au marché central en fruits et légumes mais pas en viande (voir article sur Uyuni).
Pas de réel supermarché mais on trouve de tout dans les nombreuses mini boutiques qui jalonnent les artères principales.
Le contact n’est pas facile et on a le sentiment que la population est fatiguée, si pas épuisée, surtout les petites « cholas » qui vendent leur maigre récolte sur le trottoir.
L’après-midi finira sous un bel orage.
Pour l’anecdote, la devise de la Bolivie est « La Union es La Fuerza ». En tant que Belges, c’est plutôt de bonne augure !
Nous sommes au regret de vous annoncer le décès de notre quatrième pompe à essence, la deuxième électrique, après 3600km. Le sinistre a eu lieu quelque part sur la Ruta 5 entre Uyuni et Potosi. Il y a vraiment quelque chose de pourri dans le monde des pièces détachées sud-américaines. Une pompe est morte, une autre pompe est installée.
A part ça la route est magnifique. On passe de 3500m à 4000m et inversement une bonne dizaine de fois. Du désert, des vallées fertiles couvertes de cultures de quinoa, du sable blanc, des lamas et alpagas en pagaille.
C’est à regret que nous abandonnons PtiKet ce matin et que nous montons dans un 4×4 avec 4 autres personnes et un guide bolivien. Dès les premiers mètres sur le salar, nous avons la confirmation que notre décision était la bonne car nous roulons régulièrement dans des trous d’eau salée et ça, c’est pas bon pour les vieilles tôles.
Mais avant le grand blanc, nous passons par le cimetière des wagons et locomotives à vapeur qui transportaient les minerais au Chili jusque dans les années 1940. Certains wagons sont réduits à l’état de squelettes car l’acier est très convoité et les gens se servent. Mad Max bolivien …
Le salar en chiffres :
Altitude 3650m
Surface 10582km2, le plus grand désert de sel du monde
La croûte de sel a une épaisseur d’environ 10m
Profondeur totale 120m contenant sel, sédiments, minéraux, carbonates et sulfates
Le paysage est spectaculaire, désert blanc à perte de vue, parsemé de quelques îlots de roches volcaniques.
J
Après avoir pique niqué à l’hôtel Sal Playa Blanca, nous nous arrêtons à l’île Incahuasi, hérissée de cactus « gigantes » et montons jusqu’à son sommet, à 3742m. Vue panoramique sur le salar.
Rouler sur cette croute éclatante de blancheur est vraiment fascinant. Ça craque comme sur de la neige. Le chauffeur a une boussole greffée dans le lobe temporal gauche ou prend les montagnes au loin comme points de repère.Il connait bien le terrain et roule à 90 km/h. Nous savons qu’il y a beaucoup de monde mais c’est tellement grand qu’on ne retrouve les autres 4×4 qu’aux endroits stratégiques.
Il ne fait pas trop chaud mais nous devons protéger du soleil la moindre partie de chair fraiche pour ne pas partir en poussière.
Cette grande toile blanche permet aussi de s’amuser un peu avec les perspectives en trompe l’oeil.
Enfin, nous avions pris l’option « coucher-de-soleil-sur-le-salar-avec-effet-miroir » et on n’a pas été déçus. Il est 18h, le guide nous emmène dans une zone humide et s’arrête. Nous descendons de l’auto et tentons de rester autant que possible sur les petits plots de sel qui n’ont pas encore fondu dans l’eau. Le soleil se couche. Le guide a prévu un petit verre de vin. Magique.
Ce soir, j’ai l’impression que Ptiket nous boude…😉
La fin de la piste n’était pas terrible mais en milieu de journée nous arrivons à Uyuni.
La ville est le point de départ pour aller visiter le gigantesque salar et elle s’est développée à travers le tourisme. Ce qui signifie un petit centre piétonnier avec une multitude de restaurants et tour opérateurs et à l’arrière des ruelles de terre, des détritus et des maisons délabrées. Des affiches fanées et une statue rappellent avec nostalgie que le Dakar est passé par ici en 2016.
Au premier abord, les Boliviens ne sont pas très chaleureux mais quand on commence à discuter, ils se détendent et le courant passe mieux. Gros contraste avec l’Argentine et le Chili.
Nous avons loué une chambre pour 2 nuits chez une dame qui a une cour intérieure où on peut garer la deuche. C’est très basique mais propre.
Cela nous permettra de traverser le salar avec une agence, sans compromettre la longévité de nos tôles (0,6mm).
Après une petite sieste, nous parcourons rapidement les quelques rues où se succèdent les boutiques d’artisanat qui vendent toutes les mêmes bonnets, pulls en alpaga et trousses colorées. Joli mais pas très « artisanal ».
A la sortie de l’église, une petite cérémonie religieuse est en cours avec danses en costume traditionnel et/ou plus moderne…
Petit tour au marché où des minuscules étals vendent fruits, légumes, pâtes et viande à même le comptoir en bois. Dans la boutique du boucher à côté, ce sont des carcasses entières qui pendant près de la porte d’entrée. Ce soir nous mangerons une pizza végétarienne 😉
Une très bonne route asphaltée traverse le désert, deux grands salars et nous amène sans encombre à Ollagüe. Nous pensions trouver de l’essence dans cette minuscule ville de quelques maisons autour d’une gare ferroviaire. Que dale. Notre dernier plein remonte à Calama et nous avons 18l dans la remorque. Il faut qu’on tienne jusqu’à Uyuni, c’est faisable.
Avant de passer la frontière, on déjeune chez une charmante dame qui nous sert un bouillon de viande et un spaghetti bolognaise (!!).
A la douane chilienne, les formalités sont rapides. 2km plus loin, la douane bolivienne nous tamponne les passeports et nous remet le titre d’importation temporaire sans soucis. Je négocie même avec un douanier le change de mes pesos chiliens contre des bolivianos.
C’est sur une piste plutôt bonne mais très poussiéreuse que nous nous dirigeons vers Uyuni.
En fin d’après-midi, on trouve un bivouac au milieu de formations rocheuses perdues dans le désert, la Valle de las Rocas. On est à 4160m. A Salta, Quentin avait changé la pompe du chauffage pour l’adapter aux hautes altitudes. Ce soir nous testons et confirmons que ça marche, même si ça chauffe un peu moins vu que le débit est moindre ! Au petit matin, il fait -1 degré…
Avant de quitter définitivement le Chili, nous décidons d’aller voir les geysers du volcan El Tatio. Comme la piste au départ de San Pedro est réputée difficile, nous jouons la sécurité et nous dormons dans une jolie gorge, près des ruines d’une forteresse du XIIème siècle, la Pukara de Lasana. De là nous pourrons emprunter une route toute neuve avec de la piste seulement sur les quelques derniers km. Nous partons à 6h du matin, sans la remorque, car c’est avant 8h que les fumerolles sont les plus impressionnantes.
La route est superbe, on voit le soleil se lever derrière les montagnes. On grimpe jusqu’à 4500m mais pour la dernière côte, je suis au volant, moteur à fond et Quentin qui pousse derrière. J’avance jusqu’à un replat et Quentin me rejoint à bout de souffle.
Ensuite, c’est la piste, tout en descente mais c’est sûr, on ne va jamais pouvoir faire le chemin inverse.
Nous arrivons sur le site aux 80 geysers et fumerolles, à 4320m d’altitude. L’eau qui en sort est à 85 degrés. C’est le plus grand champs de geysers d’Amérique latine. Une piscine récupère l’eau chaude et on peut s’y baigner. Quentin se contentera de se mouiller les pieds.
Quand les touristes sont partis, seules restent les gavottes andines et les vigognes.
Pour le retour qui s’annonce compliqué, Quentin met un plus petit gicleur. J’interroge un gardien du parc sur la qualité de la piste qui part vers le nord, il ne me la conseille pas. Bon, le plan B est foutu.
On tente donc le plan A mais et on attaque la fameuse montée qu’on a descendue (et-que-j’étais-sûre-qu’on-pourra-pas-la-remonter) Quentin pousse le moteur à fond. On avance mais la montée est trop longue, trop de sable.
Quentin me crie, « Saute ! »
Quoi ?
« Saute! »
Et je saute de la voiture en marche. Une première.
Mais malheureusement ça ne suffira pas et nous devons passer au plan C.
Demi-tour et on emprunte la piste qui va nous ramener à San Pedro de Atacama ! Pas plus rassurés car elle a mauvaise réputation mais au moins il y a un peu de passage. Et effectivement la piste est Horrible.
De la bonne grosse tôle ondulée comme on n’a jamais eu, impossible à survoler, on dérape comme sur de la neige. On se retrouve à 10km/h à passer bosse après bosse. Les 4×4 qui transportent les touristes ont fait des traces à côté de la « route », nous y allons et ça s’avère moins cassant.
Le paysage est fabuleux, ce détour nous permet de voir la jolie petite église de Machuca,
des lamas qui broutent dans des prés humides et quelques flamants dans une lagune.
Jusqu’au bout nous aurons des montées balaises et à midi nous arrivons enfin à San Pedro de Atacama qu’on croyait ne plus revoir. Il n’y a plus qu’à refaire la route de Calama, Chiu Chiu et Lasana où on récupère la remorque.
Petite ville bohème, très touristique, à 2500m d’altitude, une oasis dans cette immensité désertique. Quelques ruelles en adobe autour d’une place principale ombragée et d’un jolie église.
Le camping a un peu d’ombre et on décide de remplacer les pneus (très)usés des roues de secours par des pneus neufs. On s’allège donc ainsi de 2 pneus du toit. Il nous en reste 6 neufs dont 2 sur jante.
Nous abandonnons notre « carrito » au camping et partons visiter la Vallée de la Lune, à 15km de San Pedro de Atacama. Ptiket se sent plus léger et comme on lui a encore changé les gicleurs, il fonce comme un jeunot.
Le site est sublime. Nous commençons par la « cueva de sal », une gorge étroite que l’on parcourt à pied, en crapahutant parfois à la seule lueur du téléphone.
Notre première nuit à 3700m d’altitude n’a été très reposante. On se réveille avec un bon mal de tête et les sinus congestionnés. Nous devons apprendre à gérer ces problèmes, nous qui plafonnons à 450m en temps normal.
Le froid : on connait. On ressort les polaires, duvets etc…Finalement nous préférons nettement le froid (raisonnable) à la grosse chaleur.
Le mal de tête : aspirine et coca 9ch (merci Monique M.) font l’affaire mais la gêne reste toujours latente
Le manque d’oxygène : pour nous, pas grand chose à faire. Par contre, il faut régulièrement adapter les gicleurs de Ptiket qui râle parfois de ne pas avoir suffisamment de puissance.
Le soleil brûlant : chapeau, lunettes et crème solaires à fort indice sont indispensables
Le sommeil perturbé : on dormira mieux 1000m plus bas
Et puis il faut boire beaucoup d’eau.
On reprend donc la route 51 qui n’est plus qu’une piste de grosse tôle ondulée sur plus de 100km. Heureusement la montée est progressive.
Nous faisons un petit crochet vers le viaduc de Polvorilla dont s’est inspiré Hergé dans le Temple du Soleil.
Le paysage devient de plus en plus désertique. Nous passons plusieurs cols et le plus haut sera à 4560m. Quelques km avant le Paso Sico, nous arrivons en fin d’après-midi au poste de douane. Nous sommes à 4020m, on a avalé pas mal de poussière et on demande aux douaniers de pouvoir passer la nuit dans le coin. Ils nous disent qu’il n’y a pas de problème et nous indiquent un baraquement dans lequel plusieurs lits sont à disposition des rares voyageurs qui passent par ici, douches chaudes et cuisine. Nous partageons cet espace inattendu avec un cycliste qui vient d’Alaska à qui nous fournirons de l’eau car ici elle n’est pas potable.
Le lendemain, les passeports tamponnés et la voiture fouillée à la recherche de fruits et légumes, nous faisons les 10 derniers km de piste jusqu’à l’entrée officielle au Chili et le retour sur une route asphaltée.
Ensuite c’est la longue descente vers l’Atacama. Des volcans, des lagunes et des touristes qui se prennent en photo devant la deuche. Nous rencontrons nos premiers lamas et vigognes que nous avons d’abord prises pour des guanacos mais elles sont plus fines, le poil plus court et la tête claire.
A 3740m, nous trouvons un bivouac magnifique, face au volcan et cachés de la route par un rocher de pierres basaltiques.
Avant d’arriver à San Pedro de Atacama, nous faisons une halte à Socaire pour son église coloniale au plafond en bois de cactus et ses cultures en terrasses datant des Incas.
Ensuite nous traversons le salar de Chaxa sur lequel vivent des flamants de James, des Andes et du Chili, très différents des camarguais.
On s’installe pour quelques jours dans un camping pour rayonner plus facilement (sans la remorque) dans la région.