Franchir le Darien Gap – Côté Amérique Centrale

La période d’attente à Panama a été plutôt stressante car la date d’arrivée du cargo a changé à plusieurs reprises. Au départ, le bateau devait arriver à Carthagène le 2 mars et repartir le 3 mars. Quand nous étions encore à Carthagène, la date de départ a été repoussée au 5 mars avec une arrivée prévue au Panama pour le 7 mars, ce qui nous permettait de récupérer la voiture le 8 mars.

Une fois à Panama City, notre agent à Carthagène nous informe que le bateau n’arrivera finalement que le 7 à Carthagène et donc pas avant le 9 au Panama. Etant donné que c’est un week-end, nous ne pourrons sans doute pas vider le container avant au mieux le 11 mars, voire le 12 mars.

Très contrariant ces retards car ça implique à nouveau de payer des journées de port supplémentaires et des frais de séjour pour nous. On se met donc en mode économies et je réserve une chambre dans une auberge de jeunesse du 8 mars au 12 mars.

Parallèlement aux infos que nous fournit Ana, nous consultons régulièrement le site Marine Traffic pour voir où se trouve le Petulia. Or dans l’après-midi du 6 mars, nous constatons que l’ETA (Estimated Time of Arrival) est au 7 mars à 10h. Malgré ces infos précises fournies par la balise du cargo, Ana se cantonne aux données que lui envoie la compagnie maritime et pour elle, la situation reste inchangée. Mais au fil des heures, tout se confirme et c’est bien le 8 mars que nous pourrons aller au port de Colon. Je n’ai plus qu’à annuler ma réservation….

Le 8 mars à 7h15, nous prenons le train qui relie Panama City à Colon, longe le canal de Panama et traverse le lac Gatun. Magnifique. 

A partir de là commence la course aux documents, au port, à la douane, les photocopies en 12 exemplaires, le retour au port, d’autres photocopies, le tampon dans le passeport. Pendant que les 3 chauffeurs passent d’un bureau à l’autre grâce à un taxi qu’ils ont réquisitionné, moi j’attends au port avec les bagages… 4 heures…

Quand tout est prêt, il faut convaincre les dockers qu’ils ne pourront pas sortir la voiture tout seuls. Ils essaient quand même mais finissent par comprendre que Quentin doit venir chercher son véhicule lui-même. Même chose pour Arnaud car ils ne veulent pas pousser sa moto. Par contre pour le pick-up de Jeronimo, pas de problème.

Enfin, la voilà

Par mesure de sécurité, nous avions débranché la batterie et en voulant la rebrancher, les dockers ont grillé 2 fusibles des circuits phares. Ils ont aussi cassé le bras du rétroviseur gauche en l’accrochant. Pour le reste tout est en ordre, elle n’a finalement pas fondu.

Nous pouvons reprendre notre voyage. En route pour un nouveau continent !

Panama City

En attendant le deuxième épisode du shipping de la deuche, nous embarquons comme prévu le 3 mars à l’aéroport de Carthagène. Le vol d’une heure se passe sans encombre et nous nous installons dans un apart’hôtel avec kitchenette, dans le quartier des affaires de Cangrejo.

Comme on arrive au beau milieu de 5 jours de carnaval, les rues sont désertes. 

Ici, c’est un avant-goût des Etats-Unis, on paie en dollars ou en balboas, c’est kif-kif, il y a plein d’énormes panneaux publicitaires le long des routes, des centres commerciaux horizontaux, des fast-foods en pagaille, du sucre dans le lait et les yaourts nature, de la clim partout ce qui nous a plusieurs fois sauvés de l’apoplexie.

La ville en elle-même n’est pas terrible, beaucoup de gratte-ciels et un vieux quartier dont on fait vite le tour. 

Place de France, dédiée aux initiateurs du Canal de Panama

Il y a 5 ans les Panaméens ont inauguré leur métro, il n’y a pour l’instant qu’une seule ligne mais il est tout neuf et pas cher comme tous les transports en commun en Amérique latine. 

Le carnaval, c’est comme en Colombie. Le matin, c’est sono à fond sur l’avenida Balboa et camion citerne qui arrose la foule en délire, le soir c’est défilé des chars et alcool à gogo. On a failli pas pouvoir entrer dans l’enceinte du carnaval car j’avais un stylo sur moi et les contrôles sont si fouillés qu’il y a une file pour les femmes et une pour les hommes.

Finalement, bof bof, comparé à ce qu’on a vu aux Antilles, à Fort de France ou à St Martin

Après avoir pris l’assurance pour la voiture, nous avons passé la journée au Parque Metropolitano, le poumon vert de la ville, où nous avons pu observer des coatis, des paresseux à 3 doigts, des singes hurleurs, des tortues, des termitières, des grosses fourmis bien chargées et des iguanes.

Nous irons aussi voir une des écluses du fameux canal de Panama qui relie l’océan Atlantique au Pacifique. Un porte-container est justement en train de passer dans la première des 3 écluses pour monter de 26m avant de rejoindre le lac Gatun. Ensuite il devra encore passer 3 écluses pour être au niveau de l’Atlantique. C’est très impressionnant et le musée du site explique bien l’incroyable chantier que cela a représenté dans des conditions inhumaines puisqu’on dénombre près de 22.000 morts parmi les ouvriers venus du monde entier, emportés la plupart du temps par la fièvre jaune.

Une des locos qui maintient le navire au milieu du bassin
La Croyère, c’est près de La Louvière, Hainaut, Belgique !!

Bon, la ville ça va un moment, mais on est impatients de retrouver Ptiket et un peu de nature.

Franchir le Darien Gap – Côté Amérique du Sud

Le Darien Gap se situe à la frontière entre la Colombie et le Panama, une jungle infranchissable aux mains des narco-trafiquants, des guerilleros et de divers animaux et plantes peu recommandables. Voila pourquoi nous sommes obligés de la contourner en expédiant la deuche par container au port de Colon, Panama, tandis que nous prendrons l’avion pour Panama City.

Il y a 2 mois, j’ai commencé à chercher un agent en douane qui pourrait nous aider dans les démarches un peu compliquées pour organiser ce transport. Parallèlement, je m’inscris sur un site qui met en relation les candidats au shipping. En effet, en prenant un container 40´, on peut s’y mettre à plusieurs et ainsi réduire les frais pour chacun. Ça ne marche pas tout de suite et donc je lance des demandes sur plusieurs forums de voyageurs. 

Plutôt que de prendre LE transitaire qui truste un peu le secteur, j’opte pour une petite agence tenue par Ana qui  est super-réactive à nos messages. En plus, elle cherche également de son côté des « container buddies ». 

Il faut qu’on lui indique la date à laquelle on souhaite partir. Pas facile à déterminer. On tranche pour une date autour du 25 février.

Fin janvier, je trouve un motard français, Arnaud qui est intéressé pour sa Transalp. Et le 7 février, c’est Ana qui trouvera Jeronimo, un Argentin qui expédie son pick-up.

Tout le monde se met d’accord pour prendre le cargo du 2 mars. Cette fois nous ne pourrons pas accompagner Ptiket et nous achetons notre billet d’avion pour le 3 mars. 1h de vol jusqu’à Panama City.

Le 25 février, le port nous informe que dû à un embouteillage au port de Houston, le cargo n’arrivera à Carthagène que le 5 mars. Ce qui signifie que le container restera 4 jours de plus sur le quai, d’où un petit surcoût (28 dollars)… et que nous serons partis avant lui…

Le 26 février nous avons rendez-vous avec Ana pour signer tous les papiers. L’après-midi sera consacrée au nettoyage de la voiture et de la remorque.

Le 27 février, après nous avoir fourni casques, gilets jaunes et chaussures de sécurité, nous partons en convoi au port.

Alors que les véhicules entrent dans l’enceinte, moi je pars à pied avec Ana pour récupérer un badge en échange de mon passeport. 2 contrôles de sécurité plus tard, j’aperçois la deuche qui se fait peser.  Ana passe de bureau en bureau, déposer un papier, en faire tamponner un autre, dire bonjour aux amis. On doit prendre une navette pour aller dans un dépôt, 200m plus loin, interdiction de circuler à pied. On continue à suivre le cheminement tracé au sol et on arrive au container qui attend, grand ouvert.

Les 3 véhicules arrivent et se garent à côté.

Un policier, après avoir pris une dizaine de photos et selfies, nous dit de tout vider. On commence à tout sortir de la remorque et à poser par terre, puis tout ce qui est dans la coursive de l’auto mais on s’arrête là. Le policier rentre dans l’auto, ouvre les coffres, contrôle les zones creuses, regarde partout mais ça n’a rien de très systématique. C’est bon on peut tout remettre en place. Ah bon ? Et les narcotiques alors ? On ne se fait pas prier et on remballe.

C’est au tour des dockers d’organiser le remplissage. Ce sera d’abord le pick-up puis la deuche, puis la remorque et enfin la moto. En attendant, une des employées va s’asseoir dans l’auto pour se faire prendre en photo.

Quentin commence ses manoeuvres de séduction auprès d’un des dockers car il n’est pas question qu’ils sanglent la voiture n’importe comment . Quand arrive notre tour, ils acceptent de passer les sangles à l’extrémité des bras de suspension, très près des moyeux plutôt que sur les pontets de traction du châssis mais il faut vraiment négocier ferme pour qu’ils ne tendent pas au maximum les sangles. Au final personne n’est complètement satisfait mais on aura limité les risques. On bascule la remorque sur sa ridelle arrière, ce qui laisse tout juste la place pour la moto.

Avant de fermer, on débranche les batteries.

Le policier vient jeter un oeil, donne son feu vert et les portes sont fermées, 3 scellés plastique sont posés et un scellé autocollant avec un QR code. J’ai de la peine pour Ptiket qui va devoir rester dans cette étuve pendant 10 jours.

4h plus tard, nous voilà tous redevenus piétons et on se donne rendez-vous à Panama pour entreprendre les démarches de récupération des véhicules.

Amérique du Sud – Fin

A quelques jours de notre départ pour l’Amérique Centrale, voici à quoi ressemble la carte sur laquelle nous avons tracé notre voyage au fur et à mesure de notre avancée.

Quelques chiffres à ce stade :

  • 700h de conduite
  • 31.860 km
  • 45,5 km/h de moyenne
  • 7,1 l/100km en moyenne
  • 81.460m : altitude cumulée depuis Salta
  • 4856 m : altitude la plus élevée avec PtiKet
  • litres de bière glacée : non négligeable, saucisson : 1, camembert : 0
Et c’est pas fini !…

Comme rien ne se passe jamais comme prévu, on vient d’apprendre que le cargo a déjà 3 jours de retard. Il n’arrivera à Carthagène que le 5 mars. Aujourd’hui la voiture est dans le container et attend d’être embarquée sur le cargo. Nous prenons l’avion pour Panama City le 3 mars et si tout va bien, nous récupérons la deuche le 8 mars au port de Colon.

Cartagena de Indias

Notre container est réservé, nous y mettrons la deuche le 27 février et le cargo traverse le Darien Gap jusqu’à Panama le 2 ou le 3 mars. Ce jour-là, nous prendrons un avion pour Panama City où nous attendrons le feu vert pour récupérer notre véhicule. La date n’est pas encore déterminée, ce ne  sera en tout cas pas avant le 5 mars. 

Pour tout préparer et nous préserver quelques jours pour visiter Carthagène, nous décidons de parcourir les 700 derniers km en 2 jours. La route est certes jolie mais il y a beaucoup de camions qui parfois négocient mal les lacets de montagne, bloquant tout le monde dans les 2 sens. 

Tous les policiers agglutinés sur la deuche, plus personne n’est contrôlé pendant un bon moment. Merci qui ?

A Carthagène, nous descendons dans un petit hôtel dans la zone des plages de Bocagrande. La chaleur humide est terrible et une chambre climatisée n’est pas du luxe. 

Les grands immeubles, ça nous change des petits paradis verts mais bon, pas le choix pour le moment. On se rattrapera en Amérique centrale.

Je ferai plus tard un article spécifique concernant le shipping de la deuche.

En attendant, on profite de la vieille ville, fortifiée. Le soir on revit un peu et le trajet à pied (30´) est moins pénible.

Guatape

Nous faisons un dernier petit détour vers l’est pour rejoindre Guatape, son lac artificiel et la Piedra del Piñol.

Les maisons de Guatape sont réputées pour leurs décorations appelées Zocalos. Au départ, c’était de simples dessins faits au pochoirs et avec du charbon. Au fil du temps, ils se sont colorés, encadrés et aujourd’hui ce sont surtout des mini-sculptures en 3d. Les décorations représentent des formes géométriques, des scènes du quotidien, le métier du propriétaire de la maison, ses hobbies ou son animal préféré.

Le point fort du village est son lac artificiel qui a créé une multitude d’îlots verdoyants.

Entre Guatape et El Piñol se trouve la Piedra, un monolithe de granite de 200m de haut. Dans les années 50, un alpiniste a réussi à le gravir, devenant le héros du coin. Du coup, il a acheté le rocher et les terrains autours, assurant à ses descendants un avenir prospère …

Comuna 13

Nous revoilà à Medellin mais cette fois dans un hôtel près d’une station de métro, pratique pour visiter la ville.

Nous avons rendez-vous dans le quartier San Javier, avec une jeune bénévole de l’association Storytellers qui va nous faire visiter la Comuna 13 qui était considérée jusqu’en 2010 comme le 2ème endroit le plus dangereux au monde et le plus dangereux de Colombie.

Yulieth, 20 ans, a toujours, vécu dans ce quartier et se souvient qu’elle se cachait sous son lit pour échapper aux balles perdues. Dans les années 70, des habitants de Medellin ont commencé à urbaniser ces 3 collines en construisant eux-mêmes leurs maisons, créant des quartiers hétéroclites et chaotiques. Les narco-trafiquants s’y sont installés dans les années 80 et ont forcé les habitants à travailler pour eux. La vie n’avait plus aucune valeur et chaque matin, on ramassait des morts.

En 1998 ont commencé des opérations pour éradiquer cette économie parallèle et meurtrière. En 2002, à l’issue de la 21ème opération et de 3 jours de guerre civile, une paix précaire s’est installée qui n’a duré que 4 ans. Tout recommence en 2006. En 2010, un changement de Président et des actions sociales efficaces viennent à bout de cet enfer. Des escalators sont installés pour faciliter le travail et les déplacements des habitants, des écoles et des classes de danse sont ouvertes, les graffitis couvrent les murs en béton, les jeunes prennent leur avenir en main et aujourd’hui ils suivent des cours d’anglais pour accueiller les touristes de plus en plus nombreux.

Yulieth, comme les autres bénévoles de l’association ne compte que sur les pourboires qu’elle reçoit au bout des 3 heures de visites et est très fière, à juste titre, de ce qu’ils ont réalisé ici.

Santa Fe de Antioquia

C’est couverts de piqûres de moustiques que nous reprenons la direction du nord en longeant le Rio Cauca.

Alors que nous nous étions arrêtés pour faire une photo du fleuve, 2 policiers à moto nous croisent, font demi-tour et viennent nous voir. Ils s’excusent mais ils aimeraient savoir ce qu’on fait dans cette drôle de voiture … trajet, visite de l’intérieur, visite du moteur, suite du voyage, selfies, suerte et hasta luego. Trop marrant.

Les vaches aux longues oreilles

Santa Fe de Antioquia est une jolie ville coloniale datant du 1èeme siècle et son centre historique n’a pratiquement pas bougé depuis le 19ème siècle. Il y fait une chaleur terrible et les pentes des rues sont inhumaines.

En Colombie, on est passé à un autre style de chapeau 

A 5km de la ville, nous allons voir le plus vieux pont suspendu du continent américain (1895). Son concepteur a participé à celui de Brooklyn. Seuls les tuk tuks et les motos peuvent l’emprunter.

Jardin

La liberté du voyage c’est de pouvoir aller un peu vers l’ouest, ou vers l’est et pourquoi pas au sud  même si notre destination est au nord.

Nous redescendons vers Jardin, petite ville très fleurie, entourée de caféiers et de bananiers.

Notre bivouac
Transport scolaire
Transport public
Des DTMX plein les rues, notre première moto

Tous les villages que nous avons traversés jusqu’à présent impressionnent par leur joie de vivre, leurs couleurs vives, leur tranquillité animée. On a du mal à imaginer que la guérilla et les trafiquants sévissaient encore dans la région il n’y a pas si longtemps.

Aujourd’hui les habitants et surtout les jeunes ont décidé de reprendre leur avenir en main et s’efforcent de préserver leur patrimoine naturel et culturel. Ils ont notamment et majoritairement dit non à l’exploitation de mines de métaux et pierres précieuses qui auraient pollué et défiguré l’environnement. Plus difficile à maitriser, la déforestation systématique pour créer des pâturages pour le bétail ou installer des mono cultures, mettant en danger plusieurs espèces d’animaux et de végétaux.

Les caïds de la drogue ont été mis hors jeu et si le trafic n’a pas disparu, il se limite maintenant à un territoire près de la côte pacifique, officieusement. Quant aux guérilleros, l’implication du pouvoir en place n’est pas très claire.

Bref, la Colombie est une vraie belle surprise pour nous. En plus on y mange très bien et on y a retrouvé de la vraie bonne viande.

Un double expresso, le soir sur la place principale de Jardin et c’est l’insomnie. Du coup le blog est à jour…